- repaître
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• 1180 aussi intr.; de re- et paîtreI ♦1 ♦ Vx Nourrir, restaurer par un repas.2 ♦ Fig. Littér. Nourrir, rassasier. « De tels spectacles, dont j'allais repaissant mes yeux » (Sainte-Beuve).II ♦ SE REPAÎTRE v. pron.1 ♦ Assouvir sa faim, manger (animaux). ⇒ s'assouvir, dévorer, se rassasier.2 ♦ Fig. Littér. Ce tyran ne se repaît que de sang et de carnage. ⇒ se délecter. Se repaître d'illusions.Synonymes :- assouvir- nourrirrepaîtrev.d1./d v. tr. Litt. Rassasier. Repaître ses yeux d'un spectacle, le regarder avec avidité jusqu'à s'en rassasier.d2./d v. Pron. Litt. Se nourrir. Tigre qui se repaît de la chair d'une proie.|| Fig. Se repaître de commérages.⇒REPAÎTRE, verbeA. — Empl. intrans., vx1. [Le suj. désigne une pers. ou un cheval] Prendre de la nourriture, particulièrement lorsqu'on est en marche. Il a fait trente lieues sans repaître; vos chevaux n'ont point repu d'aujourd'hui, il faut les faire repaître (Ac. 1798-1878).2. [Le suj. désigne un animal] Se nourrir, manger. Les cerfs sortent le soir des bois pour repaître (Ac. 1935). Il lui donna [à la chienne] un peu à repaître et l'emporta dans ses bras (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 260).B. — Empl. trans.1. Vieilli. Donner à manger, nourrir à satiété. On invita ses amis moins pour les repaître que pour les régaler (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 272). Dominant de sa haute taille la table en désordre et les convives pâmés, Baptiste se tenait debout, la chair blanche, la mine grave, avec l'attitude dédaigneuse d'un laquais qui a repu ses maîtres (ZOLA, Curée, 1872, p. 347).2. Au fig., vieilli, littér.a) Satisfaire pleinement— un besoin. De son corps, gisant sur la bruyère, L'aigle des monts vient repaître sa faim (BAOUR-LORMIAN, Ossian, 1827, p. 98).— une passion, un désir. Repaître son amertume, son ironie. Sa haine eût été franchement repue du mal qu'il aurait fait (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 254). Je veux repaître ma haine (COCTEAU, Machine infern., 1934, II, p. 89).b) Fournir à satiété. Repaître qqn d'illusions. Je puis dire que moi aussi je suis repue de leurs menaces (...) je suis repue d'avoir peur (MONTHERL., Port-Royal, 1954, p. 1010).♦ Repaître ses yeux, son regard de. Regarder avec avidité. De tels spectacles, dont j'allais repaissant mes yeux, ranimaient en moi un sentiment exalté du triomphe physique (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 129):• Pleins de joie,Parlant d'humanité sans peur qu'on les foudroie,Les monarques sont là, repaissant leurs regardsDu spectacle effrayant que, livides, hagards,Leur donnent tous les morts étendus sur la plaine.Ils respirent avec un sourire l'haleineQue les champs de bataille exhalent vers les cieux...GLATIGNY, Fer rouge, 1870, p. 53.C. — Empl. pronom. réfl., littér.1. Assouvir sa faim. Nous sommes loin avec elle des anachorètes, se repaissant d'herbes et de racines (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 170). Il se repaissait, tel un meurt-la-faim, des horribles pitances que l'on servait chez Mme Charles Buloz (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p. 134).— Se repaître de. Se repaître de mots. J'ai vu un grand vautour noir se repaître d'une charogne (GREEN, Journal, 1934, p. 186).2. Au fig. Se repaître dea) Trouver sa satisfaction. L'athéisme spéculatif se repaît d'évidences purement subjectives (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 938). Elle erra, sans pouvoir se résoudre à abandonner le quartier, cherchant partout Costals du regard, se repaissant de cette amertume (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 984).— Expr. Se repaître de sang et de carnage. Être cruel, sanguinaire. (Dict. XIXe et XXe s.).b) Entretenir en soi. Se repaître d'illusions, d'espérances vaines; se repaître de vent et de fumée. Elle n'essayait pas de comprendre Henri, elle se repaissait de chimères, elle avait choisi la paresse avec l'esclavage (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 344).Prononc. et Orth.:[
], (il se) repaît [-
]. Ac. 1694, 1718: -paistre; 1740: -paitre; dep. 1762: -paître. Conjug. comme paître mais admet le passé simple: je me repus; le subj. imparf.: que je me repusse et le part. passé: repu, -ue. Étymol. et Hist. I. 1. 1174-80 pronom. « assouvir sa faim » (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. A. Hilka, 2020: don se poïst repestre une es); 1176-81 trans. « nourrir » (ID., Chevalier Lion, éd. M. Roques, 2874: l'ome forsené repestre); 2. 1176 pronom. fig. (ID., Cligès, éd. A. Micha, 2213: d'un dolz regart Se poïst a leisir repestre); ca 1220 trans. fig. (La Queste del Saint Graal, éd. A. Pauphilet, p. 16: Nostre Sires [...] de sa grace nos volt repaistre). II. 1. 1549 repeu part. passé adj. (EST.); 2. 1553 part. passé adj. fig. (JODELLE, Ode, à O. de Magny ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 2, p. 335: les Dieux repeuz); 1831 part. passé subst. « privilégié, nanti » (A. M. BARTHÉLÉMY, Némésis ds LEGOAR.). Dér. de paître; préf. re-. Fréq. abs. littér.:248. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 477, b) 253; XXe s.: a) 409, b) 263.
repaître [ʀ(ə)pɛtʀ] v. intr. et tr.ÉTYM. 1180, v. tr.; de re-, et paître. REM. Ce verbe se conjugue comme connaître; à la différence de paître, il n'est pas défectif.❖———I V. intr. (1395).1 Vx. (Le sujet désigne des hommes, des chevaux). Prendre de la nourriture (au cours d'un déplacement, d'un voyage). || S'arrêter pour repaître. || « Il faut faire repaître nos chevaux, ils ne peuvent aller plus loin sans repaître » (Furetière).2 Vx. (Animaux). Trouver, prendre sa nourriture. || « Charniers où les corbeaux et les loups vont repaître » (Th. de Viau, in Dict. du franç. class.).———II V. tr.1 Vx. Nourrir, restaurer par un repas. || Repaître qqn de (une nourriture). || « Jésus-Christ bénit cinq pains et deux poissons et en repaît cinq mille hommes » (Corneille, l'Imitation de J.-C., IV, 3, note).2 Vx ou littér. Nourrir, rassasier. || Repaître qqn de fausses espérances. ⇒ Flatter. — Repaître ses yeux d'un spectacle. || Repaître son esprit de lectures.1 Elle n'avait pas le bonheur d'être la dupe d'une illusion si grossière; mais elle feignait de s'y préter pour avoir un prétexte d'être incessamment dans la chambre, d'y navrer son cœur à plaisir, de l'y repaître de ce mortel spectacle, de s'y rassasier de douleur.Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, VI, XI.2 De tels spectacles, dont j'allais repaissant mes yeux (…)Sainte-Beuve, Volupté, XX.3 (XIIIe). Littér. Alimenter, entretenir (un sentiment, une passion…).——————se repaître v. pron.ÉTYM. (XIIe).1 (En parlant des animaux). Assouvir sa faim, manger. ⇒ Assouvir (s'), dévorer, manger, nourrir (se), rassasier (se). || « Les animaux se repaissent; l'homme mange » (cit. 16, Brillat-Savarin). — Se repaître de…2 (XVIIe). Fig. (Vieilli ou littér.). || Ce tyran ne se repaît que de sang et de carnage. ⇒ Délecter (se); et aussi cruel, sanguinaire.♦ Se repaître de vaine gloire. || Se repaître d'espoirs décevants (→ Quinze, cit. 3), de chimères, d'illusions.3 (…) elle jette un regard à ce monde de soupirs, de songes, de vaines craintes, dont se repaît la passion (…)Michelet, la Femme, II, VI.——————repu, ue p. p. adj.1 (En parlant d'une personne ou d'un animal). Qui a mangé à satiété, qui a satisfait sa faim. ⇒ Gavé, rassasié (→ Avoir le ventre plein). || Il s'empiffrait (cit. 2) de nourriture et, repu, s'endormait sur place. || Couleuvre (cit. 1) repue.4 Nulle vie et nul bruit. Tous les lions repusDorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues (…)Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Les éléphants ».2 Fig., par métaphore. Assouvir. ⇒ Soûl (fig.); → Gâteux, cit. 6; jupon, cit. 4. || « La haine inassouvie (cit. 2) et repue à la fois » (Verlaine).5 Qu'est ceci ? répliqua enfin un archer, n'êtes-vous pas las de cette vie oisive ? Avez-vous pillé assez de châteaux, assez de monastères ? Moi je ne suis ni soûl, ni repu.Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Les grandes compagnies.♦ N. || Les riches, les repus.❖CONTR. Affamer. — (Du p. p.) Affamé, famélique, jeun (à jeun). — Inassouvi.DÉR. V. Repas, repue.
Encyclopédie Universelle. 2012.